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  • Villa Vassilieff

    Villa Marie Vassilieff
    Chemin de Montparnasse
    21 avenue du Maine

    75015 Paris
    +33.(0)1.43.25.88.32
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  • Creative Beginnings. Professional End.

    Kerry Downey & Joanna Seitz, Lou Masduraud,
    Lorenza Longhi et Maria Toumazou.

    Exposition du 17.01 au 18.04.2020
    Commissariat de Julia Gardener

    Flyer de l'exposition Creative Beginnings. Professional End.

    La Villa Vassilieff accueille une expo­si­tion col­lec­tive qui s’empare de la Tour Maine-Montparnasse en tant qu’emblème. Située à seu­le­ment 750 mètres de la Villa Vassilieff, la Tour Maine-Montparnasse est una­ni­me­ment et pas­sion­né­ment détes­tée par les pari­sien.ne.s. La plai­san­te­rie veut que la plus belle vue de Paris soit perçue de son sommet, puis­que que l’on n’y voit pas la tour elle‑­même. La pré­sence impo­sante de ce gratte-ciel témoi­gne des effets de la gen­tri­fi­ca­tion, de la moder­ni­sa­tion et de la mon­dia­li­sa­tion d’une aire urbaine, d’un espace. Creative Beginnings. Professional End. inter­roge cet espace dans ses spé­ci­fi­ci­tés en invi­tant des artis­tes qui ques­tion­nent les objets du quo­ti­dien, pro­duits en masse et bre­ve­tés, indis­so­cia­bles de ces bâti­ments com­mer­ciaux.

    Télécharger le dos­sier de presse


    Creative Beginnings. Professional End. - par Julia Gardener


    Vue d’expo­si­tion, Creative Beginnings. Professional End., Villa Vassilieff, 2020, Photo : Aurélien Mole

    Il y a quel­que chose d’iro­ni­que à tra­vailler sur une expo­si­tion se foca­li­sant sur un gratte-ciel pari­sien depuis New York, un centre urbain ver­ti­gi­neux accueillant plus de 7000 grat­te‑­ciels. « Le petit Manhattan de Montparnasse », vu depuis le véri­ta­ble Manhattan.
    Il est géné­ra­le­ment entendu qu’un gratte-ciel est un bâti­ment très grand. En archi­tec­ture, le gratte-ciel est consi­déré comme un bâti­ment d’une taille et d’une base spé­ci­fi­ques. C’est aussi l’immeu­ble que King Kong esca­lade dans toutes les ité­ra­tions du film éponyme. En 1964, c’est l’unique sujet d’un film de huit heures d’Andy Warhol : Empire. En 2002, c’est tou­jours lui qui sert de décor au film sémi­nal de Matthew Barney, Cremaster 3. La Colonne sans fin de Constantin Brancusi – à la fois la sculp­ture en chêne de deux mètres de haut datant de 1918, et sa ver­sion en acier érigée en 1937 à Târgu Jiu (Roumanie) – imite la forme et la pro­messe de gran­deur infi­nie de ce genre de bâti­ment. Dès 1908, Antoni Gaudí pro­posa un hôtel de 360 mètres de haut appelé Hotel Attraction pour le site qui verra ensuite l’érection des Tours Jumelles (World Trade Center), pro­ba­ble­ment les tours les plus mar­quan­tes de notre époque.

    Un gratte-ciel détient une immense valeur sym­bo­li­que. En tant que struc­ture poten­tiel­le­ment infi­nie, la hau­teur ver­ti­gi­neuse d’une tour nous rap­pro­che lit­té­ra­le­ment du ciel, ce qui, pour cer­tain·e·s, signi­fie également du para­dis. Souvent com­paré aux tem­ples et palais du passé, le gratte-ciel sym­bo­lise la richesse économique, le pro­grès et le pou­voir. L’archi­tecte et théo­ri­cien ita­lien Manfredo Tafuri a, néan­moins, judi­cieu­se­ment noté que le gratte-ciel est à la fois l’ins­tru­ment et l’expres­sion du capi­ta­lisme. Les agis­se­ments du capi­ta­lisme sur l’espace sont tou­jours suivis par la gen­tri­fi­ca­tion, la moder­ni­sa­tion, et la mon­dia­li­sa­tion.
    Ériger un gratte-ciel à Montparnasse fut un projet unique en son genre mais également un échec : il sus­cita l’inter­dic­tion de cons­truire des struc­tu­res simi­lai­res pen­dant des décen­nies dans la capi­tale. La tour Montparnasse a rapi­de­ment attiré des réac­tions hos­ti­les sur les plans esthé­ti­ques, pra­ti­ques et locaux. Ce grand projet de la ville, consis­tant en la créa­tion d’un point lucra­tif culmi­nant à Paris, a trans­formé le quar­tier en un cau­che­mar orga­ni­sa­tion­nel qui manque d’une struc­ture spa­tiale logi­que, d’espa­ces verts et qui est inca­pa­ble de s’insé­rer dans un contexte urbain plus large. D’après un son­dage de 2008 auprès des éditeur.rice.s de Virtualtourist, son archi­tec­ture sim­pliste, ses larges pro­por­tions et son appa­rence mono­li­thi­que ont valu à la tour Montparnasse la seconde place du clas­se­ment des bâti­ments le plus laid du monde. L’Hôtel de Ville de Boston était classé pre­mier.

    Pourtant, malgré ses nom­breu­ses cri­ti­ques, la tour a eu de mul­ti­ples objec­tifs, fonc­tions et mis­sions. À dif­fé­ren­tes pério­des, elle a accueilli la chaîne d’infor­ma­tion qata­rie Al Jazeera, l’ins­ti­tu­tion finan­cière coo­pé­ra­tive du Crédit Agricole, le conglo­mé­rat mul­ti­na­tio­nal d’électroménager néer­lan­dais Philips, l’Ordre natio­nal des Architectes de France, et des espa­ces de cowor­king, le para­digme de l’économie de projet. La lote­rie natio­nale y fut orga­ni­sée dans les années 1980 et 1990, et deux pré­si­dents – François Mitterrand et Emmanuel Macron – y ont ins­tallé le siège de leurs cam­pa­gnes électorales.
    C’est quel­que peu para­doxal de s’inté­res­ser à un gratte-ciel depuis une ins­ti­tu­tion dont la mis­sion est d’assu­rer la mémoire d’un endroit au passé riche et dédié aux artis­tes. À quel­ques 750 mètres de la tour, les murs de la Villa Vassilieff témoi­gnent d’une longue his­toire artis­ti­que. D’abord un ate­lier dans les années 1900, le bâti­ment se trans­forma en can­tine pour artis­tes, en gale­rie et en musée [1] avant de deve­nir un lieu de rési­dence, de recher­che et d’expo­si­tion. Dans ce contexte, la ten­sion entre la lourde his­toire de la tour Montparnasse et son futur immé­diat – sa réno­va­tion de 300 mil­lions d’euros récem­ment annon­cée en vue des Jeux Olympiques de 2024 – offre un ter­rain par­ti­cu­liè­re­ment pro­pice à la réflexion artis­ti­que.

    L’expo­si­tion tire son nom – Creative begin­nings. Professional End. – d’un guide Airbnb sur le quar­tier. Elle réunit une vidéo de Kerry Downey et Joanna Seitz, des œuvres de Maria Toumazou adap­tées pour l’occa­sion, et de nou­vel­les pro­duc­tions de Lorenza Longhi et de Lou Masduraud. La tour Montparnasse y opère comme un emblème de la notion de « site », mais un site perçu à dis­tance et comme un exem­ple d’une typo­lo­gie bien plus large. À tra­vers leurs pro­pres pers­pec­ti­ves et loca­li­tés, les artis­tes inter­ro­gent la sin­gu­la­rité et l’iden­tité mena­cées par leurs pro­pres fric­tions contre des struc­tu­res uni­ver­sa­li­san­tes.
    La vidéo de Kerry Downey et de Joanna Seitz explore le bureau comme un site entre­te­nant une rela­tion sym­bio­ti­que avec le corps. La per­for­mance filmée de Jen Rosenblit inte­ra­git avec l’archi­tec­ture et les objets qui s’y trou­vent pour révé­ler une résis­tance tur­bu­lente, sédi­tieuse et déter­mi­née contre les forces étouffantes de l’espace pro­fes­sion­nel. Les sculp­tu­res de Maria Toumazou, elles, uti­li­sent les rési­dus phy­si­ques de la culture cor­po­rate et mêlent ces maté­riaux de l’esthé­ti­que neutre du capi­ta­lisme et du consu­mé­risme à des formes loca­les et lyri­ques. Par un pro­ces­sus de fabri­ca­tion labo­rieux et arti­sa­nal, son tra­vail inter­roge la manière dont des struc­tu­res homo­gè­nes exer­cent une pres­sion sur les iden­ti­tés loca­les. En habi­tant les zones de pas­sage des deux étages, les inter­ven­tions de Lorenza Longhi com­pli­quent les dépla­ce­ments dans l’espace. Ses séri­gra­phies et néons jouent sur l’idée de repro­duc­tion pour évoquer des éléments spé­ci­fi­ques de l’espace de la Villa Vassilieff ou de celui de la tour Montparnasse. Se mou­vant le long des murs, l’ins­tal­la­tion rhi­zo­ma­ti­que de Lou Masduraud se fau­file de l’accueil – où le tra­vail de l’équipe de la Villa Vassilieff est visi­ble – aux bureaux de l’ins­ti­tu­tion – où le tra­vail demeure habi­tuel­le­ment invi­si­ble – comme pour lier tous les modes exces­sifs du tra­vail contem­po­rain. L’ins­tal­la­tion in situ met en scène d’anciens tiroirs admi­nis­tra­tifs et un long sque­lette de cire, éviscérant ces deux sys­tè­mes, ana­to­mi­que et archi­tec­tu­ral, pour les expo­ser conjoin­te­ment.

    Dans Creative begin­nings. Professional End., les artis­tes explo­rent tou·­te·s leurs rela­tions per­son­nel­les à la gen­tri­fi­ca­tion, à la moder­ni­sa­tion et à la mon­dia­li­sa­tion à tra­vers un sym­bole spé­ci­fi­que, mais uni­ver­sel. Si vous regar­dez par la fenê­tre ici à Paris, vous pouvez voir la tour Montparnasse, mais si vous êtes à New York, à Nicosie, à Milan, ou à Genève, il est pro­ba­ble que vous voyiez un autre gratte-ciel ver­ti­gi­neux, pas si dif­fé­rent de celui-ci. Peut-être qu’à tra­vers le ciel – à tra­vers tou·­te·s les lan­gues, les cli­mats et les fuseaux horai­res – tous les gratte-ciels par­ta­gent un même plan hori­zon­tal au-dessus des nuages, se retrou­vant yeux dans les yeux au-dessus de nous tous. Mais, alors, res­tons ici, près du sol – lié·e·s aux lan­gues, cli­mats et fuseaux horai­res – pour col­lec­ti­ve­ment contem­pler leur pro­messe, leur illu­sion, et leur force.

    Traduction : Élise Gérardin


    Julia Gardener est une com­mis­saire d’expo­si­tion ori­gi­naire de Varsovie, en Pologne. Elle a grandi entre sa ville natale et Londres. Elle est actuel­le­ment en Graduate Program au Center for Curatorial Studies du Bard College à New York. Ses recher­ches por­tent sur les pra­ti­ques site-orien­ted et site spe­ci­fic, en accor­dant une atten­tion par­ti­cu­lière aux influen­ces du capi­ta­lisme tardif sur les espa­ces et les lieux. Avant d’étudier au Bard College, Julia Gardener a étudié la lit­té­ra­ture anglaise à l’Université de Bristol, puis a tra­vaillé dans le jour­na­lisme cultu­rel ainsi que pour des gale­ries d’art et des non-profit spaces. De 2016 à 2017, elle a été res­pon­sa­ble des espa­ces et de la com­mu­ni­ca­tion du pro­gramme d’expo­si­tion nomade Emalin. En 2017, à Athènes, Julia Gardener a co‑­fondé avec Hugo Wheeler : Hot Wheels Projects - aujourd’hui appelé Hot Wheels Athens. Cet espace, dirigé par des com­mis­sai­res indé­pen­dants, pro­duit des expo­si­tions, des événements et des publi­ca­tions avec des artis­tes locaux et inter­na­tio­naux. En 2019, à Paris, elle a été assis­tante cura­to­riale à Bétonsalon - Centre d’art et de recher­che.

    Notes

    [1] En effet, Marie Vassilieff eut son atelier dans cet espace au début du XXe siècle, puis ouvrit une académie et une cantine pour les artistes du quartier qui vivaient dans des conditions difficiles pendant la Première Guerre mondiale. En 1972, l’Atelier Annick Le Moine ouvra ses portes au premier étage de la Villa Vassilieff. Cette galerie fut un lieu important de la scène artistique parisienne, elle organisa de nombreux·euses expositions, concerts et performances. Après la mort d’Annick Le Moine en 1987, Charles Sablon reprend cet espace pour ouvrir sa propre galerie qu’il dirigera jusqu’à son décès en 1993. En 1998, le Musée du Montparnasse créé par Roger Pic et Jean-Marie Drot, reprend l’espace jusqu’à sa fermeture en 2013.

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