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    Villa Marie Vassilieff
    Chemin de Montparnasse
    21 avenue du Maine

    75015 Paris
    +33.(0)1.43.25.88.32
  • Lotte Arndt / Goethe-Institut Fellowship 2016
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    Samedi 26 novembre de 14h à 18h

    OBJETS INQUIETS, MINANT LES CHOSIFICATIONS

    Journée d’étude orga­ni­sée par Lotte Arndt (théo­ri­cienne, Goethe Institut Fellow à la Villa Vassilieff). L’événement se tien­dra en anglais.

    Moulages en plâtre datant de la première guerre mondiale, Musée d’histoire naturelle, Vienne, Image : Britta Lange.

    Avec Bianca Baldi (artiste), David Dibosa (his­to­rien de l’art, com­mis­saire d’expo­si­tion), Britta Lange (cher­cheuse), et Kerstin Stoll (artiste) ainsi que Elsa Michaud & Gabriel Gauthier (artis­tes).

    Voir le détail du pro­gramme ci-des­sous

    “ Si le musée est le lieu de conflits pétri­fiés, com­ment pou­vons-nous les réveiller d’un baiser, et com­ment peu­vent-ils à leur tour, d’un baiser, nous réveiller ? [1]”

    Lorsqu’ils accè­dent au domaine des musées et des expo­si­tions, les arte­facts sont dépla­cés (à tra­vers une opé­ra­tion de tra­duc­tion) d’un ordre signi­fiant à un autre. Leur nou­veau statut de sémio­pho­res (Krzysztof Pomian), d’objets muséa­li­sés char­gés de conci­lier leur appa­rence maté­rielle et les signi­fi­ca­tions cultu­rel­les qu’ils incar­nent, efface aisé­ment les rela­tions socia­les au sein des­quel­les ils ont pris forme. Ce statut gomme le contexte his­to­ri­que de leur fabri­ca­tion et de leur col­lec­tion, la bio­gra­phie de l’objet (Igor Kopytoff), y com­pris les dif­fé­ren­tes appro­pria­tions, re-signi­fi­ca­tions et re-loca­li­sa­tions phy­si­ques qu’il expé­ri­mente. Dans le cadre de col­lec­tions natio­na­les, l’arte­fact se retrouve patri­mo­nia­lisé et s’ins­crit par cette opé­ra­tion dans un récit cultu­rel natio­nal offi­ciel­le­ment auto­risé. Paradoxalement, ce régime favo­rise à la fois le déve­lop­pe­ment de son aura, c’est-à-dire la pro­duc­tion de son uni­cité et, à l’opposé, son inté­gra­tion dans des typo­lo­gies réi­fian­tes qui effa­cent les sub­jec­ti­vi­tés au profit de repré­sen­ta­tions caté­go­riel­les. Ce deuxième effet frappe par­ti­cu­liè­re­ment lorsqu’il s’agit de restes humains ou d’ani­maux empaillés, que l’on peut consi­dé­rer comme des objets-limi­tes [2], ves­ti­ges de sub­jec­ti­vi­tés anté­rieu­res ayant évolué parmi les vivants, bien que pré­sents dans les col­lec­tions sous forme d’osse­ments ina­ni­més.

    Cette jour­née d’études pro­pose un dia­lo­gue entre dif­fé­ren­tes appro­ches qui remet­tent en ques­tion les “moda­li­tés d’ins­tal­la­tion cen­trées sur l’objet, réi­fian­tes [qui malgré trois décen­nies de cri­ti­que post-struc­tu­ra­liste et post­co­lo­niale domi­nent encore] exclu­si­ve­ment les dis­po­si­tifs de pré­sen­ta­tion muséaux”, comme le rap­pelle l’his­to­rienne de l’art et conser­va­trice Ruth Phillips. Certaines de ces appro­ches ins­pi­rées des concep­tions du théo­ri­cien des scien­ces Bruno Latour et des pro­po­si­tions résu­mées par la notion d’un « nou­veau maté­ria­lisme » s’oppo­sent à la com­pré­hen­sion muséo­gra­phi­que clas­si­que des objets en les consi­dé­rant plutôt comme des agents ; c’est-à-dire comme des enti­tés pro­blé­ma­ti­ques et poly­sé­mi­ques qui s’acti­vent en puis­sance, inte­ra­gis­sent avec leur envi­ron­ne­ment et résis­tent à leur inser­tion auto­ri­taire dans des dis­po­si­tifs de pré­sen­ta­tion et de clas­si­fi­ca­tion. Des pro­po­si­tions nour­ries des théo­ries dia­spo­ri­ques pen­sent les arte­facts depuis leurs dépla­ce­ments et bran­che­ments cultu­rels mul­ti­ples. Elles ébranlent ainsi l’inté­gra­tion des objets au sein de récits natio­naux uni­fi­ca­teurs. Par ailleurs, si on inter­roge la divi­sion entre nature et culture en tant que pré­sup­posé théo­ri­que euro­cen­tré, le fait de trai­ter des ani­maux comme de sim­ples repré­sen­tants d’espè­ces s’avère indé­fen­da­ble. Enfin, les luttes menées par des grou­pes d’acteurs – sou­vent hété­ro­gè­nes – concer­nés par les objets héber­gés par ces ins­ti­tu­tions, aux­quel­les ils récla­ment des comp­tes, deman­dent des recher­ches sur leur pro­ve­nance ou de cou­vrir les frais impli­qués par d’éventuelles pro­cé­du­res de res­ti­tu­tion, jouent un rôle clé dans la recom­po­si­tion des rela­tions de pou­voir en jeu.

    — Lotte Arndt

    Séminaire "Objets inquiétants, minant la chosification" autour de Lotte Arndt (Goethe-Institut Fellow), le 26 novembre 2016.

    PROGRAMME

    14h-14h10 : Accueil par l’équipe de la Villa Vassilieff

    14h10-14h25 : Introduction par Lotte Arndt (théo­ri­cienne, Goethe Institut Fellow à la Villa Vassilieff)

    14h25-14h55 : Britta Lange (cher­cheuse en cultu­ral stu­dies, Berlin)
    « Moulages raciaux », des col­lec­tions sen­si­bles. En conver­sa­tion avec Kerstin Stoll (artiste).

    Des mou­la­ges en plâtre de per­son­nes « exo­ti­ques », « natu­rel­les », des colo­ni­sés datant de la fin du XIXème et de la fin du XXème sont conser­vés dans de nom­breu­ses col­lec­tions anthro­po­lo­gi­ques en Europe, dans les musées comme dans les ins­ti­tu­tions aca­dé­mi­ques. Ces « repré­sen­ta­tions racia­les » ont servi d’arte­facts scien­ti­fi­ques notam­ment pour des études mor­pho­lo­gi­ques mais était aussi pré­sen­tées comme pièces maî­tres­ses, spec­ta­cu­laire aux yeux du public des métro­po­les euro­péen­nes. Parce que ces plâ­tres étaient moulés sur des per­son­nes bien vivan­tes et vivant dans des condi­tions pré­cai­res, ces objets for­ment aujourd’hui ce qui devrait être consi­déré comme des col­lec­tions sen­si­bles et les dis­cours pro­duits autour d’eux néces­si­tent des pré­cau­tions. Au cours de cette inter­ven­tion, Britta Lange revien­dra sur le cas des mou­la­ges en plâtre réa­li­sés par Otto Finsch en « Micronésie » en 1882, juste avant l’offi­cia­li­sa­tion de la colo­ni­sa­tion alle­mande. Les emprein­tes néga­ti­ves de ces mou­la­ges sont aujourd’hui conser­vées dans les réser­ves muséa­les alors que des copies cir­cu­lent dans le reste du monde.

    14h55-15h10  : conver­sa­tion avec le public

    15h10-15h40
     : Bianca Baldi (artiste, Bruxelles)
    Le singe de Brazza

    Dans ses recher­ches actuel­les, Bianca Baldi déroule le récit d’une situa­tion de confron­ta­tion qui a pris place au sein d’un duo désé­qui­li­bré, réuni sous un même nom : De Brazza. Zero Lattitude, une œuvre sur laquelle l’artiste tra­vaille depuis 2014, se concen­tre sur la figure de l’explo­ra­teur fran­çais Pierre Savorgnan de Brazza (1852-1905) et d’un pri­mate qui porte son nom. Le singe de Brazza, ou Cercopithecus neglec­tus est une espèce de singe de l’Ancien Monde endé­mi­que dans les zones humi­des de l’Afrique cen­trale. Le singe observe le voyage de Brazza, qui tra­verse la région avec un char­ge­ment d’équipements occu­pant fré­quem­ment le second plan des pho­to­gra­phies de son expé­di­tion. Les carac­té­ris­ti­ques attri­buées au voya­geur euro­péen convaincu de sa mis­sion colo­ni­sa­trice (comme les lits de camp dif­fu­sés avec soin par Louis Vuitton) sont mises en ten­sion pour oppo­ser l’explo­ra­teur au singe, être de nature, [et de] la jungle à celui de l’homme cultivé. Baldi sou­li­gne néan­moins que « l’odeur des créa­tu­res lui rap­pelle la sienne » et qu’il voit appa­raî­tre dans des moments d’inat­ten­tion une « res­sem­blance, libé­rée des contrain­tes socia­les ».

    15h40-15h55 : conver­sa­tion avec le public

    15h55-16h10 : Pause

    16h10-16h40
     : David Dibosa (his­to­rien de l’art et com­mis­saire, Londres)
    Retour sur La Javanaise : Les musées eth­no­gra­phi­ques comme espace de trac­tion

    Comment envi­sa­ger les musées comme des espa­ces qui ne se conten­tent pas de main­te­nir les rela­tions préexis­tan­tes, mais ten­tent d’établir des connexions encore impos­si­bles pour le moment ? Lors de son inter­ven­tion, le théo­ri­cien David Dibosa pren­dra comme point de départ l’œuvre vidéo La Javanaise (2012), réa­li­sée par l’artiste néer­lan­daise Wendelien van Oldenborgh au Tropen Museum d’Amsterdam. Dibosa mettra en avant la notion de « trac­tion objec­tive », idée selon laquelle en tra­vaillant contre le contexte muséal, on peut consi­dé­rer que les objets sont cons­ti­tu­tifs de leur propre dis­cours et qu’ils atti­rent les spec­ta­teurs vers eux, pro­dui­sant ainsi des rela­tions inat­ten­dues, fon­dées sur leur spé­ci­fi­cité.

    16h40-17h : conver­sa­tion avec le public

    17h00-17h30 : P.I.T. : Previously In Tomorrow (saison 1) est une sitcom d’art contem­po­rain créée par Elsa Michaud & Gabriel Gauthier, où des pro­ta­go­nis­tes expo­sés tâchent de pro­po­ser des formes sur le tas. En pré­sen­tant assi­dû­ment l’inven­taire de leurs der­niè­res expé­rien­ces et réfé­ren­ces toutes confon­dues, ils ten­tent de pro­gram­mer un réper­toire de la per­for­mance pour centre d’art imma­té­riel.

    17h30-18h : Discussion publi­que modé­rée par Lotte Arndt.

    18h  : Apéritif

    Les intervenants Lotte Arndt, Kerstin Stoll, Britta Lange et David Dibosa, lors du séminaire "Objets inquiétants, minant la chosification", le 26 novembre 2016.


    A PROPOS DES INTERVENANTS

    Bianca Baldi (1985, Johannesbourg, Afrique du Sud) est une artiste qui vit et tra­vaille à Bruxelles et à Frankfort. Elle a reçu sa licence en art au Michaelis School of Fine Art, Cape Town. Elle a pour­suivi ses études à la Städelschule à Frankfort. Ses ins­tal­la­tions vidéos révè­lent les fils nar­ra­tifs négli­gés et les struc­tu­res de pou­voir cachées. En se concen­trant sur les arte­facts cultu­rels et socio­lo­gi­ques spé­ci­fi­ques, le tra­vail de Baldi se concen­tre sur des intri­gues his­to­ri­ques dont elle révèle les rami­fi­ca­tions com­plexes de l’influence poli­ti­que, économique et cultu­relle. Parmi ses expo­si­tion récen­tes et à venir on compte la 11ème Biennale de Shangaï, CN)(2016) Pure Breaths, Swimming Pool Projects, Sofia (BG) (2016), Eyes in the back of your head (an incan­ta­tion), Musée Ethnographique de Slovénie, (SL) (2016), The Image Generator II, Extra City Kunsthal, Antwerp (BE) (2016), Open House, Kunstverein Braunschweig (DE) (2015), 19ème Festival d’Art SESC Videobrasil, São Paolo (BR) (2015), Sightings, KZNSA, Durban (ZA) (2015),8ème Biennale d’Art Contemporain de Berlin au K, Institut pour l’art contem­po­rain, Berlin (DE) (2014), Zero Latitude au Goethe Institut, Johannesburg (ZA)(2014).

    Britta Lange a reçu son doc­to­rat en scien­ces cultu­rel­les à l’uni­ver­sité Humboldt-Universität de Berlin en 2005, où elle a aussi validé son habi­li­ta­tion à diri­ger les recher­ches. Elle a été cher­cheuse en post-doc­to­rat à l’Institut Max Planck pour l’Histoire des Sciences (2005-07) et cher­cheuse à l’Académie des Sciences de Vienne (2008-2010). Depuis 2014 elle est maî­tresse de confé­rence à l’Institut d’Histoire et de théo­rie de la culture à l’Humboldt-Universität de Berlin. Pour l’année uni­ver­si­taire 2015-2016, elle occupe la chaire Wolfgang Schäffner, his­toire du savoir et de la culture.

    Ses recher­ches se concen­trent sur l’his­toire et les tech­ni­ques cultu­rel­les, le colo­nia­lisme et l’appro­che post-colo­nia­liste, les pre­miè­res pho­to­gra­phies, films et docu­ments sono­res. Elle a publié à de nom­breu­ses repri­ses sur l’his­toire et la théo­rie des col­lec­tions, et notam­ment avec Margit Berner and Anette Hoffmann Sensible Sammlungen. Aus dem anthro­po­lo­gi­schen Depot (2011) et en 2013, Die Wiener Forschungen an Kriegsgefangenen 1915-1918. Anthropologische und eth­no­gra­fi­sche Verfahren im Lager.

    Dr. David Dibosa est co-auteur de Post-Critical Museology : Theory and Practice in the Art Museum (Routledge, 2013). Il se forme au com­mis­sa­riat d’expo­si­tion après avoir reçu son diplôme du Girton College, Cambridge. Il a obtenu son doc­to­rat en his­toire de l’art à Goldsmith, University of London, pour une thèse inti­tu­lée Reclaiming Remembrance : Art, Shame and Commemoration. Dans les années quatre-vingt dix, David Dibosa a été com­mis­saire pour des pro­jets d’art public, dont In Sight In View, un projet de pan­neau d’affi­chage à Birmingham City, (Angleterre) ; ainsi que pour un parc de sculp­tu­res dans les West Midlands anglais. Il a ensei­gné comme maître de confé­rence la théo­rie de l’art au Wimbledon College of Art, University of the Arts London. Il est actuel­le­ment en poste à UAL, où il est chargé de cours en muséo­lo­gie et dirige le master Curating & Collections au Chelsea College of Arts.

    Séminaire "Objets inquiétants, minant la chosification" autour de Lotte Arndt (Goethe-Institut Fellow), le 26 novembre 2016.

    Samedi 10 Décembre de 14h à 19h

    « POUR PARLER DE MA DEMEURE, IL ME FAUT AUSSI PARLER DE LA DEMEURE DE L’AUTRE [3].”
    Rencontre ouverte autour de formes d’accueil et de par­tage

    Image tirée du film d’Hamedine Kane, Habiter le monde, 2016.

    Discussion ponc­tuée par les ques­tions de Lotte Arndt (théo­­ri­­cienne, Goethe-Institut Fellow à la Villa Vassilieff), Emmanuelle Chérel (doc­­teure en his­­toire de l’art, ensei­­gnante en Histoire de l’art à l’Ecole supé­­rieure des Beaux-arts de Nantes), Peggy Pierrot (cher­­cheuse et inter­­ve­­nante indé­­pen­­dante en soft­­ware stu­­dies et spé­­cu­­la­­tions nar­­ra­­ti­­ves) et Virginie Bobin (res­­pon­­sa­­ble des pro­­gram­­mes, Villa Vassilieff)

    Avec la par­­ti­­ci­­pa­­tion de, entre autres, Thelma Cappello et Rafael Moreno (artis­­tes), Maxime Jean-Baptiste (artiste), Hamedine Kane (artiste et réa­­li­­sa­­teur), Elsa Michaud et Gabriel Gauthier (artis­­tes), Victorine Grataloup (cura­­trice, coor­­di­­na­­trice des pro­­jets à la Villa Vassilieff), Mohammed Jamous (Refugees of Rap), Nathalie Muchamad (artiste), Hélène Deléan (SPEAP), Dimitri Rimsky (artiste ; Une autre mairie de Calais/SPEAP), Myriam Suchet (cher­cheuse, auteure de "Indiscipline"), The Cheapest University....

    Pendant la Première Guerre Mondiale, Marie Vassilieff avait ouvert une can­tine dans son ate­lier. Cet endroit où les artis­tes sans le sou de Montparnasse pou­vaient rece­voir un repas chaud, évolua rapi­de­ment en espace social, où l’on pou­vait ren­contrer de vieilles connais­san­ces et des per­son­nes qui res­taient encore à deve­nir des amis. Déclaré comme club privé, l’ate­lier échappait aux horai­res res­tric­tifs du couvre-feu.

    De nom­breux aspects de cette his­toire sont inté­res­sants pour notre situa­tion actuelle : Vassilieff uti­lise l’espace de tra­vail par­ti­cu­lier qu’est l’ate­lier d’artiste et le trans­forme en res­source publi­que. À la manière des mou­ve­ments fémi­nis­tes qui, depuis long­temps, sui­vent le même impé­ra­tif, elle sub­ver­tit habi­le­ment les fron­tiè­res sou­vent clai­re­ment déli­mi­tées entre privé et public. Là où la légis­la­tion de guerre ten­dait à sépa­rer et divi­ser les habi­tant.e.s, l’artiste crée un nou­veau centre social. Cette stra­té­gie pour­rait-elle indi­quer la direc­tion à emprun­ter pour contrer les trans­for­ma­tions pro­gres­si­ves des res­sour­ces publi­ques en riches­ses pri­vées ? Un chemin à suivre alors que la res­tric­tion des liber­tés publi­ques et le nombre crois­sant de per­son­nes pré­cai­res aigui­sent tous les jours la crise sociale ?

    D’après le phi­lo­so­phe Emmanuel Levinas, la maison a un rôle clé à jouer dans cette rela­tion qui dési­gne tant l’inté­rio­rité que l’exté­rio­rité : ‘“Le rôle pri­vi­lé­gié de la maison ne consiste pas à être la fin de l’acti­vité humaine, mais à en être la condi­tion. […] Simultanément dehors et dedans, [l’humain] va au dehors à partir d’une inti­mité. D’autre part cette inti­mité s’ouvre dans une maison, laquelle se situe dans ce dehors [4].”

    Selon ces termes, la maison dési­gne, plutôt qu’un lieu phy­si­que, une struc­ture capa­ble d’accueillir et de mettre à l’abri. Partant de là, nous nous nous détour­nons d’une pra­ti­que artis­ti­que cen­trée sur l’objet pour penser la ques­tion de la réci­pro­cité dans le cadre de la ville. Le socio­lo­gue Henri Lefèbvre déclare à ce propos :

    « La ville est œuvre, à rap­pro­cher de l’œuvre d’art plus que du simple pro­duit maté­riel. S’il y a pro­duc­tion de la ville et des rap­ports sociaux dans la ville, c’est une pro­duc­tion et repro­duc­tion d’êtres humains par des êtres humains, plus qu’une pro­duc­tion d’objets [5]. »

    Que cela peut-il signi­fier, pour nos pra­ti­ques, de conce­voir l’intime et le public comme néces­sai­re­ment imbri­qués ? Les espa­ces artis­ti­ques sont for­te­ment mar­qués en terme d’exclu­si­vité sociale, d’ésotérisme esthé­ti­que, de lan­gage théo­ri­que et du sym­bo­lisme impor­tant atta­ché à leurs entrées-seuils : com­ment pou­vons-nous dépla­cer ces limi­tes, tra­duire nos pra­ti­ques et les reti­rer des contex­tes contrô­la­bles et préé­ta­blis dans les­quels nous évoluons ?

    Si une ques­tion poli­ti­que clé réside dans la capa­cité de nos socié­tés à mutua­li­ser des res­sour­ces, pro­po­ser un espace où par­ta­ger des savoirs, des soli­da­ri­tés ou encore un repas établit une des condi­tions fon­da­men­ta­les de n’importe quel lien social. Ce n’est pas par hasard si un nombre incal­cu­la­ble d’artis­tes à tra­vers le XXème siècle ont pro­posé des cadres de par­tage. Que cela peut-il signi­fier pour une ins­ti­tu­tion cultu­relle et ses pra­ti­ciens de mettre en œuvre l’hos­pi­ta­lité ? Comment les res­sour­ces dis­po­ni­bles de façon iné­gale dans le monde de l’art peu­vent-elles être redis­tri­buées dans le cadre des pra­ti­ques quo­ti­dien­nes ?

    Lors de la jour­née, nous pro­po­sons de dis­cu­ter ces ques­tions sur un mode d’échange hori­zon­tal : plutôt que d’invi­ter un nombre res­treint d’inter­ve­nant.e.s à déployer leurs pro­po­si­tions et de les dis­cu­ter avec le public, nous sou­hai­tons réunir une assem­blée mul­ti­ple qui don­nera lieu à des inter­ven­tions depuis des pra­ti­ques et expé­rien­ces dif­fé­ren­tes. Les contri­bu­tri­ces et contri­bu­teurs sont en partie liés à l’expo­si­tion en cours Demain est une ile, tra­vaillent en partie à inven­ter des formes d’accueil néces­sai­res et iné­di­tes dans des contex­tes qui peu­vent paraî­tre aussi éloignés l’un de l’autre que le cam­pe­ment de Calais et le centre d’art Villa Vassilieff, ou encore ques­tion­nent les condi­tions économiques et les rela­tions gen­rées au sein des struc­tu­res dans les­quel­les nous tra­vaillons.

    Dans quelle mesure pou­vons-nous trans­for­mer les savoirs des un.e.s en res­sour­ces pour les autres, et inver­se­ment ? Comment pra­ti­quer la forme de la réu­nion, afin qu’elle per­mette à des bran­che­ments impro­ba­bles de s’opérer et à des voix fra­gi­les de porter ? Et pour finir, allons-nous être capa­bles de faire réson­ner ces échanges et ren­contres, sur un ton réci­pro­que et hos­pi­ta­lier, sans en faire un capi­tal sym­bo­li­que mais dépourvu de force trans­for­ma­trice, pour qu’elles fas­sent évoluer les struc­tu­res et les formes dans les­quel­les nous tra­vaillons et vivons ?

    A l’issue de la dis­cus­sion, un repas sera pro­posé par les artis­tes Thelma Cappello et Rafael Moreno.

    Diffusion des derniers rushs d’Hamedine Kane lors de l’événement public de Lotte Arndt "Pour parler de ma demeure...", le 10 décembre 2016.
    Les artistes thelma Cappello & Rafael Moreno préparant un repas lors de l’événement public "Pour parler de ma demeure..." autour de Lotte Arndt, le 10 décembre 2016
    Evénement public de Lotte Arndt "Pour parler de ma demeure...", le 10 décembre 2016
    Emmanuelle Chérel lors de la discussion ouverte organisée par Lotte Arndt, le 10 décembre 2016
    Notes

    [1] « Wenn das Museum also ein Ort voller versteinerter Konflikte ist, wie küssen wir sie und wie küssen sie uns wach ? », Nora Sternfeld : « Der Objekt-Effekt », in : Martina Griesser, Christine Haupt-Stummer, Renate Höllwart et. al. (eds) : Gegen den Stand der Dinge. Objekte in Museen und Ausstellungen, Vienne, 2016, p. 33.

    [2] Leigh Star, Susan ; Griesemer, James (1989). « Institutional Ecology, ’Translations’ and Boundary Objects : Amateurs and Professionals in Berkeley’s Museum of Vertebrate Zoology, 1907-39 ». Social Studies of Science, 19 (3) : pp. 387–420.

    [3] Hye-Ryung Kim : Habiter. Perspectives philosophiques et éthiques. De Heidegger à Ricœur, 2010, p. 8.

    [4] Emmanuel Levinas : Totalité et Infini, La Haye, Njihoff Publishers, 1968, p. 125-126.

    [5] Henri Lefebvre, Le droit à la ville, Paris, Anthropos, 1968, p. 54.

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