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    Villa Marie Vassilieff
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    75015 Paris
    +33.(0)1.43.25.88.32
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  • Je suis l’archive - Euridice Zaituna Kala

    Finissage – Du 15 au 20 décem­bre, l’expo­si­tion Je suis l’archive d’Euridice Zaituna Kala sera ouverte au public pour une der­nière fois avant son démon­tage. Nous espé­rons vous retrou­ver nom­breux.se.s pour décou­vrir ou redé­cou­vrir son tra­vail, et sommes heu­reux.se.s de pou­voir vous accueillir durant cette semaine qui mar­quera, mal­heu­reu­se­ment, l’achè­ve­ment du projet mené par Bétonsalon - Centre d’art et de recher­che à la Villa Vassilieff, laquelle fer­mera ses portes défi­ni­ti­ve­ment après la fer­me­ture de l’expo­si­tion.

    Euridice Zaituna Kala, Je suis l’archive, Villa Vassilieff, 2020.

    Exposition du 19.09 au 20.12.2020
    Sur une pro­po­si­tion de Mélanie Bouteloup
    Commissariat de Camille Chenais

    En sep­tem­bre 2020, l’artiste Euridice Zaituna Kala inves­tit l’espace de la Villa Vassilieff avec l’expo­si­tion Je suis l’archive, et pro­pose une relec­ture nar­ra­tive et sen­si­ble des archi­ves du fonds Marc Vaux, sur les­quel­les l’artiste a tra­vaillé dans le cadre de la bourse ADAGP - Villa Vassilieff. Au tra­vers d’un par­cours mental et sonore, l’expo­si­tion mêle les pro­pres sou­ve­nirs et réfé­ren­ces de l’artiste à des réflexions sur les archi­ves elles-mêmes, leur fra­gi­lité, leur poro­sité, et leurs man­ques. En incluant des indi­vi­dua­li­tés sin­gu­liè­res à ces archi­ves, Euridice Zaituna Kala se réap­pro­prie l’écriture de l’his­toire et montre, par l’imbri­ca­tion de ces des­tins, qu’une autre his­toire par­ta­gée et col­lec­tive est pos­si­ble.

    Télécharger le dos­sier de presse


    Le projet Je suis l’archive d’Euridice Zaituna Kala est sou­tenu par la bourse ADAGP - Villa Vassilieff, en par­te­na­riat avec la Bibliothèque Kandinsky, MNAM-CCI, Centre-Pompidou.

    Comédien·ne·s : Salomon Mbala Metila, Lou Justine Moua Nedellec, Louna Philip ; Ingénieure son : Marion Leyrahoux ; Couturière : Carla Magnier ; Studio d’enre­gis­tre­ment : Time-Line Factory, Valentin Gueriot ; Régisseur : Romain Grateau


    Je suis l’archive


    « Que se passe-t-il si les his­toi­res que nous sou­hai­tons raconter n’ont laissé aucune trace ? [1] »

    Euridice Zaituna Kala est l’archive. L’archive se cache dans les pores de sa peau, dans les méan­dres de sa mémoire, dans les sou­ve­nirs de ses ren­contres, lec­tu­res, voya­ges. Invitée par l’ADAGP, la Villa Vassilieff et la Bibliothèque Kandinsky à tra­vailler à partir du fonds Marc Vaux [2], Euridice Zaituna Kala est deve­nue l’archive. Elle s’y est immer­gée en par­tant à la recher­che de figu­res fami­liè­res, issues de sa mémoire et de ses pro­pres réfé­ren­ces. Joséphine Baker, James Baldwin, Getulio Mario Kala (son père)... Devenir l’archive, c’est choi­sir de recueillir des éléments, non pas selon un cri­tère de per­ti­nence his­to­ri­que, mais selon ses pro­pres affects, les trier, les inter­pré­ter. C’est repren­dre le pou­voir, celui d’écrire une his­toire en dehors des normes impo­sées par les ins­ti­tu­tions. C’est y réin­tro­duire des zones géo­gra­phi­ques, des per­son­nes qui en avait été déli­bé­ré­ment exclues. C’est confé­rer une visi­bi­lité à des sujets réels mais oubliés par les récits hégé­mo­ni­ques. « Je suis deve­nue cet autre pou­voir qui pou­vait mettre en lumière ce que je vou­lais et la façon dont je vou­lais le pré­sen­ter, indé­pen­dam­ment de la manière dont cela avait été établi dans les archi­ves exis­tan­tes [3]. » En s’insé­rant, avec toute sa sub­jec­ti­vité et les per­son­na­ges qui peu­plent sa sphère intime, dans les inters­ti­ces de cette archive, l’artiste sou­haite pro­po­ser une autre manière de raconter l’his­toire, en la ren­dant plu­rielle, per­son­nelle, par­fois même déviante.

    En par­cou­rant le fonds Marc Vaux, elle s’est arrê­tée sur cer­tai­nes pho­to­gra­phies : un por­trait de la modèle noire Aïcha Goblet, des des­sins de Jean de Botton repré­sen­tant Joséphine Baker, deux por­traits de modè­les noires dévê­tues aux noms inconnus. L’artiste s’atta­che à ces corps fami­liers qui reflè­tent le sien, à leur pré­sence, mais également à leur absence des archi­ves à partir des­quel­les s’écrit une cer­taine his­toire de l’art moderne mono­li­thi­que. Plutôt que de repro­duire ces pho­to­gra­phies, elle crée un espace nar­ra­tif pour mettre en valeur ces per­son­na­ges qui furent figés et cris­tal­li­sés dans des images, pris au piège dans des pro­jec­tions et fan­tas­mes impo­sés par d’autres.

    Euridice Zaituna Kala s’est également inté­res­sée aux images man­quan­tes, absen­tes, à celles qui ont dis­paru, à celles qui n’ont jamais été prises par Marc Vaux, à celles, aussi, que nous n’avons pas (encore) (re)trou­vées. À qui manque ces images ? Comment vien­nent-elles à man­quer ? Sont-elles ailleurs ? Ailleurs que chez Vaux ? Le fonds Marc Vaux appa­raît comme un mas­to­donte d’archi­ves. Plus de 127 000 pho­to­gra­phies, près de 5 000 artis­tes réfé­ren­cé·e·s, plus de 11 000 boîtes de néga­tifs sur verre. Habituellement on loue son étendue, son ampleur, sa com­plé­tude. Ici, Euridice fait res­sor­tir, que comme toute archive, elle est empreinte de la sub­jec­ti­vité et des condi­tions maté­riel­les de son créa­teur. Des figu­res comme Ernest Mancoba, Gerard Sekoto, James Baldwin ou Katherine Dunham en sont absen­tes. « [Il] n’y a pas d’image man­quante, si cette image ne manque à quelqu’un [4] ». Il fal­lait que ces figu­res man­quent pour que leur absence soit révé­lée. L’his­toire fait le tri. « À Paris », me dit Euridice, « le tri a été fait en oubliant les corps noirs, ici j’ai l’utopie de créer un équilibre en les réin­tro­dui­sant dans une archive qui les a délais­sés [5]. »

    Selon Paul Veyne, l’his­toire est une « connais­sance par traces », une
    « connais­sance muti­lée [6] » sou­mise à la rareté des archi­ves et des sour­ces. Pourtant sou­vent l’his­toire affirme, déli­mite, hié­rar­chise, ins­crit dans le marbre. Ici, au contraire, l’artiste choi­sit de faire se déployer l’expo­si­tion autour de ses hési­ta­tions, doutes, inter­pré­ta­tions. Le manque s’éprouve, se donne à voir, à enten­dre, devient sen­si­ble. Il devient également fic­tion. L’expo­si­tion est peu­plée de voix qui gui­dent la déam­bu­la­tion des visi­teur·­ri­ce·s. Cette pièce sonore, écrite par Euridice Zaituna Kala, mélange l’évocation de pho­to­gra­phies de Marc Vaux ou d’autres pho­to­gra­phes, de figu­res his­to­ri­ques noires pas­sées par Paris et d’auto­fic­tion autour de son expé­rience de femme noire, mozam­bi­caine, afri­caine et migrante. Elle est cons­truite selon une nar­ra­tion sen­si­ble ins­pi­rée du « Royaume d’enfance » de Léopold Sédar Senghor, une image uti­li­sée par le poète pour dési­gner ses ten­ta­ti­ves de recréer, dans ses ver­sets, le para­dis perdu de son enfance, de retrou­ver la puis­sance de l’ima­gi­naire des enfants. Ici, la fic­tion comble des man­ques, ceux lais­sés par les archi­ves qui des­si­nent une his­toire en poin­tillé. « La poésie peut pro­lon­ger le docu­ment [7]. » Des voix sans corps redon­nent la parole aux silen­cieu­ses images de Marc Vaux, et nous racontent, nous chu­cho­tent, une his­toire où s’entre­cho­quent les tem­po­ra­li­tés, les per­son­na­ges, les conti­nents. Entre le Mozambique et Paris. Entre l’his­toire de la famille de l’artiste et celle de Marc Vaux. Entre le passé et le pré­sent. S’y mêlent, aussi, des réflexions sur la dif­fi­culté d’accé­der aux archi­ves, se les appro­prier, de s’y sentir légi­time.

    Vue d’exposition, Je suis l’archive, Euridice Zaituna Kala, Villa Vassilieff, 2020. © ADAGP, Paris, 2020. Photo : Aurélien Mole.

    Des sculp­tu­res et inter­ven­tions plas­ti­ques accom­pa­gnent les voix qui réson­nent dans l’expo­si­tion. Le white cube n’est plus blanc, il se rem­plit de lumiè­res colo­rées. Dans l’espace, un maté­riau pré­do­mine, le verre. Le tra­vail du verre permet à Euridice Zaituna Kala d’entre­te­nir un rap­port pres­que phy­si­que avec l’archive de Vaux en se réap­pro­priant le maté­riau même de la créa­tion des images : les néga­tifs de l’appa­reil à cham­bre de Marc Vaux sont fixés sur des pla­ques de verres. Sur des mor­ceaux de verres de forme rec­tan­gu­laire évoquant celles de cette archive, l’artiste grave, des­sine ses pro­pres images, sou­ve­nirs, comme pour com­plé­ter l’archive, y fixer les corps qui en ont été exclus. Mais elle choi­sit de tra­vailler le verre avec des maté­riaux qui s’effa­cent ou s’estom­pent, met­tant en avant la fra­gi­lité de nos archi­ves et de nos ten­ta­ti­ves d’y appo­ser nos traces, nos his­toi­res. Le verre lui-même trans­pire cette fra­gi­lité, com­bien de néga­tifs perdus par acci­dent, chute ?

    Ailleurs, des sil­houet­tes en verre évoquent, en creux, la pré­sence de corps noirs nus : celui d’une modèle dont l’image fut prise par Vaux, celui d’un enfant immor­ta­lisé par Ricardo Rangel, celui d’un homme sculpté par Max Le Verrier, pho­to­gra­phié par Vaux. Ces per­son­nes dont les noms ne nous sont pas par­ve­nus, sont évoquées, et non expo­sées dans l’espace, leurs sil­houet­tes deve­nues trans­pa­ren­tes ren­dent la forme de leurs corps pres­que illi­si­ble. Comme des pré­sen­ces en néga­tifs. À tra­vers ces sculp­tu­res, l’artiste sou­haite ques­tion­ner l’appro­pria­tion des corps noirs par la repré­sen­ta­tion : com­ment réin­té­grer dans l’his­toire des corps dont les images n’exis­tent qu’à tra­vers le regard de l’autre ? Comment redon­ner à ces corps le contrôle sur leur droit à l’image et leur per­met­tre une pudeur que la pho­to­gra­phie leur a enle­vée ? Ici, il ne s’agit pas tant de se réap­pro­prier leur his­toire, que d’affir­mer leur exis­tence. Plus loin, des sil­houet­tes de la cein­ture de bana­nes de Joséphine Baker et du profil de la modèle noire Aïcha Goblet sont décou­pées dans du dibond miroir. Ces femmes sur les­quel­les se sont cris­tal­li­sés les fan­tas­mes occi­den­taux devien­nent ici miroir, et ren­voient aux visi­teur·­ri­ce·s leurs pro­pres reflets, sym­bo­les de toutes les pro­jec­tions et atten­tes que nous avons, depuis les années 1920, impo­sées à ces corps.

    Euridice me dit sou­vent qu’elle conçoit cette expo­si­tion comme une danse, une danse avec Marc Vaux où chaque par­te­naire, à tour de rôle, guide l’autre. Cette danse se déroule dans un espace poreux où les archi­ves et l’artiste s’influen­cent mutuel­le­ment. L’artiste est mar­quée par des pho­to­gra­phies qu’elle ques­tionne ensuite dans son oeuvre, l’archive est mar­quée par le regard portée sur elle par l’artiste, qui influence à son tour la vision des visi­teur·­ri­ce·s. Les regards lais­sent des traces sur les choses regar­dées. Le patri­moine, les archi­ves ne sont pas des espa­ces clos, finis, il·el­les sont fait·es pour être ques­tion­né·es, appro­prié·es, (re)tra­vaillé·es. À leur tour , les visi­teur·­ri­ce·s sont invi­té·e·s à deve­nir l’archive, à cons­truire et réé­crire leur propre his­toire . « Je suis l’archive, vous êtes l’archive [8]. »

    Camille Chenais

    Notes

    [1] Ann Cvetkovich dans Tammy Rae Carlan et Ann Cvetkovich, « Sharing an Archive of Feelings : A Conversation », Art Journal 72, n° 2 (été 2013), consulté le 26 août 2020 : http://artjournal.collegeart.org/?p=3960

    [2] Ancien charpentier formé à la photographie après une blessure lors de la Première Guerre Mondiale, Marc Vaux commence dans les années 1920 à photographier plus de 6000 artistes – venu·e·s de France ainsi que du monde entier – et leurs œuvres dans leurs ateliers de Montparnasse et de Paris, produisant, jusqu’au début des années 1970, plus de 127 000 photographies.

    [3] Euridice Kala et Lucy Cotter, « Becoming the Archive : A Dialogue with Euridice Kala. » MaHKUscript : Journal of Fine Art Research, 2017, 2(1) : p.6, consulté le 26 août 2020 : https://doi.org/10.5334/mjfar.27

    [4] Frédéric Worms, « Vivre avec ou sans les images : quelle différence ? » dans Dork Zabunyan (dir.),Les images manquantes, Les Carnet du Bal n°3,Paris, Éditions Le Bal,
    Textuel, CNAP, 2012, p.13

    [5] Euridice Zaituna Kala, le 29 juillet 2020,conversation avec l’auteure

    [6] Paul Veyne, Comment on écrit l’histoire, Paris, Le Seuil 1971, réédition collection « Points Histoire », 1996, p.26

    [7] Muriel Rukeyser, phrase écrite à la fin
    d’une note à la publication initiale d’U.S 1, 1938, Éditions Convici/Friede

    [8] Euridice Zaituna Kala, le 29 juillet 2020, conversation avec l’auteure

    • Je suis l’archive, Euridice Zaituna Kala (Vimeo - 167 octets)

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